CDD d'usage constant (CDDU)

Dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (Article L. 1242-2 ).

Trois conditions sont indispensables pour pouvoir recourir au CDD d'usage: L'activité principale de l'entreprise doit faire partie de la liste des secteurs autorisés définie par décret. Il doit bien s'agir d'un usage constant, c'est-à-dire ancien et bien établi. Enfin, l'emploi doit absolument être de nature temporaire.

1. Caractéristiques du contrat CDD d'usage (CDDU)

Comme le CDD saisonnier, le contrat CDD d'usage constant présente trois avantages :

  1. A la fin du contrat il n'y a pas d'indemnité de précarité (10%)
  2. Ce contrat peut être conclu à terme précis ou à terme incertain .
  3. Il est possible d'enchaîner les contrats CDD d'usage sans avoir à respecter le délai de carence entre deux contrats  sauf abus  !

Ce contrat est très avantageux pour l'employeur mais son usage est très encadré. Les abus sont hélas nombreux et donnent lieu au tiers des contentieux concernant les CDD. Soyez vigilant car si le salarié s'intéresse de près à son contrat le risque d'une coûteuse requalification est fort en cas d'abus.

La surtaxation des contrats d'usage

Ce contrat a subi une surtaxation de 10€ par contrat, qui a été supprimée avec effet rétroactif au 1er juillet 2020, mais qui pourrait revenir sous une autre forme.

Souplesse pour la paie

Lorsque la durée du CDD d'usage constant est inférieure à 1 mois, un seul bulletin de paie peut être émis par l'employeur lorsque le CDD court sur deux mois distincts. (Art. L. 1242-2 / 3° )

2. Trois conditions impératives doivent être réunies pour pouvoir recourir au contrat CDD d'usage

2.1 L'entreprise doit exercer son activité principale dans l'un des secteurs d'activité autorisés

L'entreprise doit d'abord faire partie d'un des secteurs d'activité définis par décret  ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu. Cette notion doit être prise au sens strict: c’est l’activité principale de l’entreprise et non la fonction du salarié qui doit être prise en compte.

Cette liste est publiée par décret (Voir le décret ).

Cette condition n'est cependant pas suffisante pour autoriser l'usage de ce cas de recours, et ce, même si la convention collective stipule que le poste est temporaire par nature (Cass. Soc. 29 oct. 2008 n° 07-42900 ).

Dans un secteur donné, tous les emplois ne sont pas forcément éligibles au CDD d'usage: la Cour de Cassation a considéré que le rôle du juge devait consister à "rechercher, par une appréciation souveraine, si, pour l’emploi concerné , et sauf si une convention collective prévoit en ce cas le recours au contrat à durée indéterminée, il est effectivement d’usage constant de ne pas recourir à un tel contrat". (Cass. Soc., 26 nov. 2003, n° 01-44.263 )

VOIR LA LISTE DES SECTEURS AUTORISES

2.2 L'usage doit être ancien

Il doit s'agir d'un usage constant, ancien, et bien établi , dans ce secteur d'activité. L'existence d'un tel usage doit se refléter dans des conventions ou des accords collectifs applicables au secteur d'activité.

2.3 L'emploi doit être de nature temporaire

L'emploi doit être temporaire, ce qui doit être appuyé par des éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi. 

Les juges sont de plus en plus vigilants sur cet impératif, plusieurs décisions de la Cour de Cassation ont en effet précisé que les juges devaient désormais examiner dans les faits le caractère par nature temporaire de l'emploi . Autrement dit, si l'entreprise fait partie des secteurs d'activité autorisés mais que l'emploi en question fait partie intégrante de l'activité normale et permanente de l'entreprise, un contrat d'usage ne peut être conclu sous peine d'être requalifié . Par exemple, un CDD d’usage ne peut pas être proposé à un professeur qui enseigne une matière faisant partie du programme dispensé aux élèves.

La Cour de Cassation a récemment rappelé que cette condition s'imposait même si un accord collectif fixait une liste des emplois relevant de l'usage constant. Selon la Cour (13 octobre 2021, N° 19-24.540 ), "la détermination par accord collectif de la liste précise des emplois pour lesquels il peut être recouru au contrat de travail à durée déterminée d’usage ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l’existence de raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi concerné".

3. Précisions de l'administration sur l'usage du CDDU dans certains secteurs

a. Extrait de la circulaire DRT N° 18/90 du 30 octobre 1990

 Dans certains secteurs d'activité dont la liste est fixée par décret et peut être complétée, le cas échéant, par voie de convention ou d'accord collectif étendu, il est possible de recourir à des contrats de travail à durée déterminée ou à des contrats de travail temporaire pour pourvoir des emplois pour lesquels il est d'usage constant de ne pas conclure de contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité et du caractère temporaire de ces emplois. La portée juridique de cette liste fixée par décret appelle les précisions suivantes :

  •  En premier lieu, ce n'est pas le fait qu'un secteur d'activité soit mentionné dans la liste  des secteurs d’activité autorisés par décret  qui fonde à lui seul le droit de recourir au contrat de travail à durée déterminée et au contrat de travail temporaire. C'est, conformément aux termes mêmes de la loi, l'existence d'un usage constant, c'est-à-dire ancien, bien établi  et par conséquent admis comme tel dans la profession. Le décret ne fait donc que reconnaître l'existence d'un usage, dans certains secteurs d'activité, de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée.
  •  En second lieu, le seul fait que la liste mentionne un secteur ne signifie pas que tous les emplois offerts par ce secteur peuvent donner lieu à la conclusion d'un contrat de travail à durée déterminée ou d'un contrat de travail temporaire. Seuls les emplois de nature temporaire autorisent la conclusion de tels contrats.

 Les situations visées par le Code du travail peuvent être illustrées par les exemples suivants :

  •  dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration , s'il est d'usage de faire appel aux «extra» dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée ou de contrats de travail temporaire, il n'en est pas de même pour les personnes affectées à des tâches administratives ou d'entretien présentant un caractère permanent ;
  •  dans les professions de l'enseignement , seuls les emplois qui correspondent à un enseignement limité à une fraction d'année scolaire, ou à un enseignement non permanent dans l'établissement, peuvent donner lieu à la conclusion de contrats au titre des usages; les enseignants qui sont recrutés pour toute la durée de l'année scolaire et pour dispenser un enseignement entrant chaque année dans le programme de l'établissement doivent l'être par contrat de travail à durée indéterminée (en ce sens Cour d'appel de Paris 2 juillet 1987 ; 28 février 1989). La convention collective des organismes de formation prévoit en effet que des formateurs peuvent être embauchés en CDD d’usage constant à condition qu'il s'agisse d'actions limitées dans le temps nécessitant des intervenants dont les qualifications ne sont pas normalement mises en œuvre dans les activités de formation de l’organisme.

 Le secteur du bâtiment et des travaux publics ne figure pas  parmi les secteurs d'activité dans lesquels il est d'usage pour certains emplois de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée, sauf pour les chantiers à l'étranger. Il convient donc de considérer que les contrats de travail pour la durée d'un chantier doivent, comme auparavant, être conclus pour une durée indéterminée. Conformément à l'article L.321-12 du Code du travail, la rupture de ces contrats de travail pour fin de chantier n'est pas soumise à la procédure de licenciement pour motif économique ; en revanche, ces contrats restent soumis aux dispositions générales régissant la résiliation du contrat de travail à durée indéterminée.

b. Le secteur de l'action culturelle : e xtrait de la circulaire du 29 août 1992

L'article L. 122-1-1 du Code du travail précise qu'un contrat de travail peut être conclu pour une durée déterminée pour pourvoir des emplois pour lesquels, dans certains secteurs d'activité dont la liste est mentionnée à l'article D. 121-2 du Code du travail, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

 Plusieurs précisions doivent être apportées cependant pour bien comprendre la portée juridique de ces dispositions.

  •  En premier lieu, ce n'est pas le fait qu'un secteur d'activité soit mentionné dans la liste qui fonde à lui seul le droit de recourir au contrat de travail à durée déterminée. C'est, conformément aux termes même de la loi, l'existence d'un usage constant, c'est-à-dire ancien, bien établi et par conséquent admis comme tel dans la profession.
  •  En second lieu, le seul fait que la liste mentionne tel secteur d'activité ne signifie pas que tous les emplois offerts par ce secteur peuvent donner lieu à la conclusion de contrats de travail à durée déterminée. Seuls les emplois de nature temporaire autorisent la conclusion de tels contrats.

 Ainsi pour ce qui concerne l'action culturelle  qui recouvre à l'évidence l'animation socioculturelle, seuls les emplois temporaires par nature offerts par ce secteur peuvent donner lieu à des contrats de travail à durée déterminée conclus au titre des usages. Il est clair que des emplois qui s'attachent à des activités exercées en permanence, qui sont en quelque sorte la raison d'être de l'établissement employeur, ne peuvent avoir un caractère temporaire et être pourvus au moyen de contrats précaires.

 Les associations du secteur de l'animation socioculturelle  peuvent donc parfaitement passer des contrats à durée déterminée au titre des usages (action culturelle, enseignement, centre de loisirs et de vacances) dès lors que, comme la Cour de cassation l'a rappelé dans un arrêt du 25 avril 1990, M. Roose c/Ballet Théâtre de Nancy, de tels contrats sont bien conclus pour assurer l'exécution d'une tâche déterminée et temporaire ayant pour terme la réalisation de l'objet pour lequel ils ont été conclus.

 S'agissant de la possibilité pour ces associations de conclure des contrats à durée déterminée saisonniers, la Cour de cassation a jugé à plusieurs reprises (par exemple Cass. soc. 10 avril 1991, Guennec c/Association sportive de Villefontaine) que les contrats conclus pour la durée de l'année scolaire ne sont pas des contrats saisonniers  et qu'il résulte de l'ensemble des contrats de travail qui ont pu se succéder pendant plusieurs années sans autre interruption que la période des congés scolaires, une relation de travail d'une durée globale indéterminée.

 Ces mêmes observations valent bien sûr également pour ce qui concerne le recours au travail temporaire en application des articles L. 124-2-1 3° et D. 124-2 du Code du travail.

c. Le secteur de l'audiovisuel

Le secteur de l'audiovisuel est un grand utilisateur de contrats CDD d'usage. Il fait partie des secteurs autorisés, pour certains métiers  (acteurs, réalisateurs, assistants de production, costumier, etc.) pour autant qu'il s'agisse d'emplois temporaires. En cas de litige en  effet, le juge ira vérifier concrètement l'existence de raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi.

L'accord interbranche du 12 octobre 1998 relatif au CDD d'usage , étendu par arrêté du 21 mai 1999, précise les conditions dans lesquelles peuvent être embauchés les salariés en CDD d'usage.

L'accord collectif national du 29 novembre 2007  détermine les conditions d'emploi des salariés en CDD d'usage dans les entreprises éditant et/ou produisant des services de radiodiffusion, ainsi qu'aux entreprises fournissant des programmes à ces services.

4. Le contrat d'extra (hôtellerie, restauration, catering)

Le contrat d'extra  est un contrat à durée déterminée d'usage  très utilisé dans l'hôtellerie et la restauration qui ne peut convenir que si l'emploi est temporaire . Il peut être conclu pour quelques heures, une journée entière ou plusieurs journées consécutives.

Le secteur de l'hôtellerie et de la restauration  fait partie des secteurs pouvant utiliser le contrat d'usage constant, mais l'usage en question concerne des emplois d'«extra» dans le cadre de contrats CDD ou de contrats de travail temporaire, et en aucun cas ceux concernant des tâches administratives ou d'entretien présentant un caractère permanent.

Il ne convient pas pour un salarié qui reviendrait régulièrement travailler, par exemple en fin de semaine. Dans ce cas, il faut conclure un contrat CDI à temps partiel .

Le contrat d'extra convient si le salarié vient travailler de façon irrégulière , pour une occasion particulière par exemple. Ce qui compte, c'est que l'emploi soit réellement temporaire , et l'employeur devra être en mesure d'apporter des éléments concrets en en rapportant la preuve, surtout en cas de succession de contrats. Faute de quoi le contrat CDD d'usage pourrait être requalifié en contrat CDI , ce qui coûte très cher.

La convention collective interdit de dépasser la durée de 60 jours par trimestre civil avec le même salarié au même poste  sous peine de requalification en CDI. De plus, en cas de succession de contrats CDD, l'employeur devra pouvoir prouver par des éléments concrets que le poste est réellement temporaire, faute de quoi le contrat CDD pourra être requalifié en CDI (Cass. Soc. n° 06-43529, 24/09/2008 ).

L'employeur est tenu de verser la contribution de 1% au titre du CPF .

En savoir plus: Convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997

5. Le secteur du tourisme

Agences de voyages et tour-opérateurs ont le droit d'utiliser le CDDU pour certains emplois

L'arrêté du 4 mai 2017 publié au JO le 6 mai  étend l’accord publié au Journal Officiel le 29 avril 2016  et autorise le recours au CDDU dans le secteur des agences de voyage et de tourisme pour des emplois de guides et hôtes/hôtesses.

Pour certains emplois de guides ou d'hôtes/hôtesses (liste non exhaustive publiée en annexe de l'accord) , il est désormais possible de conclure des CDD d'usage.

L'article 4.3 de l'accord définit les mentions obligatoires et nécessaires devant figurer sur le contrat. Au passage, cet accord pécise de mentionner "la durée de la période d’essai, s’il y a lieu, et les conditions de son éventuel renouvellement".

Rappelons que la période d'essai d'un CDD n'est en aucun cas renouvelable.

Une prime de fin de contrat sera progressivement versée aux salariés

L'accord prévoit qu'une prime de fin de contrat à CDD d’usage sera versée (alors qu'elle n'est pas prévue pour ce type de contrats). Son montant sera de 

  • 4% la 1ère année suivant l’entrée en vigueur de l’accord étendu
  • 7% la 2e année
  • 10% à partir de la 3e année

6. Le secteur du sport et celui du jeu vidéo compétitif

Depuis le 28 novembre 2015 les associations et sociétés de sport doivent utiliser le CDD Sport  lorsqu'elle embauchent un sportif ou un entraîneur professionnel.

Un statut de joueur professionnel salarié de jeu vidéo compétitif a été créé par la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique. Tout contrat passé par une association ou une société bénéficiant de l'agrément prévu avec un joueur professionnel de jeu vidéo compétitif est nécessairement un contrat CDD pour joueur professionnel salarié de jeu vidéo compétitif .

7. Si l'usage constant ne se justifie pas, la requalification du CDD en CDI est certaine

Si l'usage constant n'est pas avéré ou que l'emploi n'est en réalité pas temporaire, le contrat CDD est requalifiable en contrat CDI .

Dans ce cas la Cour a estimé que l'indemnité de requalification  était due, mais pas la prime de précarité . Cette dernière n'est due que lorsque aucun contrat à durée indéterminée n’a été proposé au salarié  à l’issue du contrat à durée déterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire (Cour de cassation, Chambre sociale, 16 septembre 2009, N° de pourvoi : 07-42.872).

8. Vigilance dans la succession de contrats CDD d'usage.

La succession de contrats d'usage constant (intérim ou CDD) avec le même salarié au même poste ne doit pas avoir pour but ni pour résultat de pourvoir durablement un emploi qui serait en fait lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Les juges examinent ce point avec vigilance, comme en témoigne cet arrêt de la Cour de Cassation.

"Vu les articles L. 1242-11  et L. 1251-5 du code du travail; 
Attendu qu'il résulte de ces textes que la possibilité donnée à un employeur de conclure des contrats à durée déterminée successifs ou à une entreprise utilisatrice de recourir à des missions d'intérim successives, avec le même salarié pour remplacer un ou des salariés absents ou dont le contrat de travail est suspendu, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale et permanente ; qu'il en résulte que l'employeur ou l'entreprise utilisatrice ne peut recourir de façon systématique aux contrats à durée déterminée de remplacement ou aux missions d'intérim pour faire face à un besoin structurel de main-d’œuvre". (Cass. Soc. 13 mars 2013, N° 11-26658 )

La Cour estime ainsi que "l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emplo i" (Cass. Soc. 26 Mai 2010, n° pourvoi 08-43050). En l'occurrence, la Cour a estimé qu'un contrat à durée indéterminée s'était en réalité formé par la poursuite des relations du travail.

Les juges font la différence entre les emplois de nature légitimement temporaire, pour lesquels l'usage constant se justifie, et ceux correspondant en fait à des emplois permanents, lesquels ne peuvent être pourvus par des contrats temporaires et seront requalifiés en contrats CDI .