Violation du principe de recours aux contrats temporaires, non respect des durées ou du formalisme, emplois déclarés saisonniers ou d'usage constant ne remplissant pas les critères: les motifs de requalification d'un contrat temporaire (intérim ou CDD) en contrat CDI sont liés au non-respect des règles essentielles propres à ces deux types de contrats.
La plupart des motifs de requalification d'un contrat CDD prennent leur origine dans la rédaction du contrat ou le respect du formalisme.
Le fait de régulariser les choses
par la suite n'y changera rien. C'est donc dès le départ qu'il faut être vigilant.
1. Violation du principe de recours aux contrats temporaires, non respect des durées
- Le contrat à durée déterminée revenait en fait à pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
- Non-respect des règles relatives à la fixation du terme des contrats CDD (ou imprécision sur la fin réelle du contrat)
- Omission de la date de fin pour les contrats CDD conclus à terme précis
- Omission de la durée minimale pour les contrats CDD conclus à terme incertain
- Dépassement des durées maximales des contrats CDD prévues par l'article L. 1242-8
- Non-respect du délai de carence entre deux contrats CDD ou entre un contrat CDD et un contrat d'intérim
- Le salarié a continué à travailler après la date de fin prévue du contrat à durée déterminée.
2. Non-respect du formalisme prévu par la législation
Le contrat à durée déterminée (tout comme le contrat d'intérim) est un contrat très encadré exigeant un formalisme strict. Le non-respect de ce formalisme, des mentions jugées imprécises dans le contrat, des négligences ou des oublis dans la procédure constituent des motifs fréquents de requalification.
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Absence d'un contrat écrit (ou le cas échéant de l'avenant au contrat)
Sachez cependant que le salarié peut, en l'absence d'écrit, et s'il le juge favorable, rapporter la preuve que le contrat conclu verbalement est à durée déterminée. -
Contrat non signé par les deux parties.
Cependant, le contrat ne sera pas requalifié "lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de travail de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse". (Cass. Soc, 31.01.18, N° 17-13.131 ) - Contrat CDD ne correspondant à aucun des cas de recours prévus au Code du Travail pour les contrats à durée déterminée
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Imprécision sur le motif réel du contrat
ou la justification du motif
, ayant pour effet une incertitude quant au caractère temporaire du contrat CDD.
La cause du recours au contrat à durée déterminée s'apprécie à la date de conclusion de celui-ci (Cass.Soc. 11 avril 1991, n° 87-41349), et celle du renouvellement à la date de ce dernier. - Absence du motif de recours à un contrat CDD , ou motif ne correspondant pas à la réalité, ou définition imprécise du cas de recours utilisé
- Usage d'un contrat à durée déterminée dans des cas non prévus ou interdits par la loi
- Omission, lorsque le contrat CDD a été conclu pour remplacer un salarié absent, du nom et/ou de la qualification du salarié remplacé
- Omission du poste de travail
- Omission , lorsque le contrat à durée déterminée est conclu dans l'attente de l'entrée en service effective d'un salarié recruté en contrat à durée indéterminée, du nom du salarié recruté en contrat CDI
- Renouvellement du contrat CDD hors du cadre légal prévu à l'article 1243-13 (nombre de renouvellements supérieur à 2, absence d'écrit signé, imprécisions)
La non-remise du contrat CDD dans les 48 heures n'entraîne plus la requalification automatique du CDD en CDI.
L'employeur fautif ne risque plus que le versement au salarié d'une indemnité au plus égale à un mois de salaire. Sauf abus. A quoi s'ajoute tout de même l'amende de 3'750 € prévue à l'article L. 1248-7 du code du travail et qui n'a pas été retirée dans les ordonnances.
3. CDD saisonniers ou CDD d'usage constant ne remplissant pas les critères spécifiques
Les contrats CDD saisonniers et les contrats CDD d'usage constant offrent des avantages à l'employeur, notamment en termes de souplesse et de coût.
Mais attention: contrairement à une idée répandue, ils doivent répondre à des critères très stricts , faute de quoi ils seront automatiquement requalifiés en contrat CDI . Ces critères sont régulièrement confirmés par la jurisprudence.
Petit rappel
Quatre conditions obligatoires pour pouvoir conclure un CDD saisonnier
1. Il doit s'agir d'une saison , limitée dans le temps.
2. La périodicité et la durée de la saison doivent être régulières , prévisibles , cycliques , et indépendantes de la volonté de l'employeur.
3. Le contrat ne peut en aucun cas couvrir toute la durée d'ouverture de l'établissement.
4. Les tâches doivent être temporaires et indépendantes de l'activité normale et permanente de l'entreprise.
Trois conditions obligatoires pour pouvoir conclure un CDD d'usage constant
1. L'emploi doit faire partie de la liste des emplois définie par décret mais ce n'est pas suffisant: il est impératif que le secteur d'activité principale de l'entreprise en fasse partie,
2. L'usage dans le secteur d'activité doit être constant, ancien et bien établi
3. L'emploi doit absolument être temporaire.
Si ces conditions ne sont pas réunies, le contrat CDD sera automatiquement requalifié.
NB : certains CDD saisonniers prévoient une clause de reconduction du CDD sur un poste de même nature pour la saison suivante. Dans son arrêt N° 18-14.118 du 20 novembre 2019 , la Cour de cassation précise bien que la reconduction de contrats saisonniers d'une année à l'autre n’entraîne pas la requalification.
4. Autres situations
Promesse d'embauche pour la suite du CDD non respectée : requalification confirmée par la Cour de Cassation
Dans cette affaire, une salariée en contrat CDD avait reçu une lettre de son employeur spécifiant la date de sa prise de fonction au terme du CDD et portant sur la poursuite de l'emploi occupé. L'employeur n'avait finalement pas donné suite et n'avait pas engagé la salariée à l'issue de son CDD. La Cour de Cassation a confirmé la requalification dans un arrêt en date du 18 décembre 2013 (N° de pourvoi: 12-19577)
5. Prescription
Un arrêt de la Cour de cassation en date du 29 janvier 2020 (n° 18-15359 ) précise que l’action en requalification du CDD en CDI obéit à la prescription de 2 ans prévue pour l’action portant sur l’exécution du contrat de travail (Art L. 1471-1 du code du travail ).
L'arrêt stipule par ailleurs que si l'action porte sur le motif du recours utilisé elle aura "pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat". "Le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de se prévaloir d’une ancienneté remontant au premier contrat irrégulier".
Enfin, la demande de rappel de salaire est soumise au délai de 3 ans prévu pour l'action en paiement ou en répétition du salaire (article L 3245-1 du code du travail ).
En cas de contentieux en requalification, c'est à l'employeur qu'il appartient de prouver la réalité des motifs énoncés (Cass. Soc. 15.09.2010, N° 09-40473 ).