Comment l'employeur peut-il rompre de façon anticipée un contrat CDD ?

L'employeur qui veut rompre un contrat à durée déterminée de façon anticipée ne peut le faire que pour quatre motifs : faute grave, faute lourde, force majeure, ou inaptitude constatée par le médecin du travail.

Il peut également conclure avec le salarié une rupture d'un commun accord.

Voir la liste des documents à remettre en cas de rupture du CDD

1. Les quatre situations permettant la rupture anticipée d'un CDD

Une fois passée la période d'essai , l'employeur ne peut rompre un CDD que dans quatre situations (Article L1243-4 ). En dehors de ces 4 situations, la rupture anticipée du CDD ouvre droit à des dommages-intérêts pour la partie qui la subit. Juridiquement il ne s'agit pas d'un licenciement, ce terme étant réservé aux contrats CDI.

Il est toujours possible de négocier à tout moment avec le salarié une rupture d'un commun accord

Il est possible d'avancer le terme prévu d'un contrat à terme précis

La Cour de Cassation a admis qu'il était possible d'avancer la date de fin d'un contrat conclu à terme précis au moyen d'un avenant, librement accepté par les deux parties (Cass. soc.,16 déc. 2015, N° 14-21.360 ).

Il est important que cet avenant ne soit pas obtenu sous la pression, faute de quoi le salarié serait en droit d'obtenir des indemnités au moins égales aux sommes qu'il aurait touchées s'il était resté jusqu'au bout. 

1.1 La faute grave du salarié

Une faute grave est une faute dont la gravité est telle, qu’elle rend impossible le maintien du salarié à son poste de travail. Il faut pour cela qu'il ait commis des erreurs professionnelles graves : l'insuffisance de résultats ne constitue pas une faute grave.

Ce qui peut constituer une faute grave

Est constitutif d'une faute grave :

  • un manquement grave de ses obligations contractuelles par le salarié
  • la faute doit être d'une gravité telle qu'elle entraîne l'impossibilité de maintenir le salarié à son poste

Peuvent constituer une faute grave : un abandon de poste, le non-retour à son poste du salarié après un arrêt maladie, du harcèlement sexuel, des violences ou injures graves, un refus d'obéissance, des retards répétés malgré les nombreux avertissements, etc.

L'arrêt du contrat est immédiat, le salarié ne bénéficie d'aucun préavis ni aucune indemnité de licenciement ou de précarité. En revanche, il perçoit le solde de ses congés payés non pris.

Ce qui ne constitue pas une faute grave

Ne constitue pas une faute grave le fait de se tromper de pointeuse, pas plus que le refus du salarié d’accepter un simple changement de ses conditions de travail (Cass. Soc. 20 nov. 2013, N° de pourvoi: 12-16370  : en l’occurrence, l’employeur avait affecté une salariée à de nouvelles tâches correspondant à sa qualification mais non prévues au contrat). Le refus du salarié d'accepter une modification mineure de ses conditions de travail caractérise un manquement à ses obligations contractuelles, passible éventuellement d'une sanction, mais ne constitue pas une faute grave.

Mise en œuvre immédiate de la procédure

La rupture anticipée du contrat CDD pour faute grave ou lourde nécessite obligatoirement la mise en œuvre immédiate de la procédure disciplinaire prévue pour les sanctions autres que les licenciements : convocation à un entretien préalable, possibilité donnée au salarié de se faire assister, etc. (Art. L. 1332-2  du Code du Travail). NB: En cas de non-respect de cette procédure le salarié ne pourrait exiger que des indemnités pour procédure irrégulière, la Cour de Cassation jugeant que le non-respect de l'entretien préalable ne remet pas en cause le bien-fondé de la décision. "L'absence de convocation à un entretien préalable, si elle constitue une irrégularité de la procédure de licenciement, n'affecte pas en l'espèce le bien-fondé de cette mesure" (Cass. Soc. 14 mai 2014, N° 13-12071 )

La prime de précarité  n'est pas due sur le contrat en cours. Cependant, si la rupture intervient postérieurement au renouvellement du contrat, cette prime lui reste acquise au titre du contrat initial, seule la partie se rapportant au contrat renouvelé ne lui sera pas due, du fait de la faute grave. (Cass. Soc. 9 avril 2002, N° 00-43520 ).

Les faits doivent être suffisamment graves et l'employeur doit pouvoir en rapporter la preuve

Si la faute grave n'est pas caractérisée, l'employeur sera condamné pour rupture abusive d'un contrat à durée déterminée en dehors des cas prévus par la loi. Il risque d'être condamné à payer des dommages et intérêts au salarié, au minimum la totalité des rémunérations que celui-ci aurait touchées si son contrat était allé jusqu'à son terme, y compris l'indemnité de fin de contrat (prime de précarité).

1.2 La faute lourde du salarié

Une faute lourde implique en outre la volonté de nuire à l'employeur.

Comme pour la faute grave, il faut mettre en œuvre la procédure disciplinaire prévue pour les sanctions autres que les licenciements (Cf. § ci-dessus).

Jusqu'au 2 mars 2016 le salarié licencié pour faute lourde perdait, en plus, le bénéfice de son indemnité compensatrice de congés payés. Cela découlait de l’alinéa 2 de l’article L. 3141-26 du Code du Travail. Le Conseil Constitutionnel a cependant jugé cet alinéa inconstitutionnel. Un salarié licencié pour faute lourde conserve désormais le bénéfice de ses congés payés . (Conseil Constitutionnel, décision n° 2015-523 QPC du 2 mars 2016 ).

1.3 La force majeure

La force majeure est un événement imprévisible, inévitable, insurmontable, et étranger à l'entreprise qui en est victime, et qui rend impossible la poursuite du contrat . Exemple: un incendie, une inondation, ou même une décision administrative (par exemple le retrait d'un agrément).
Attention: si l'employeur invoque la force majeure en raison d'un sinistre, le salarié a droit à une indemnité compensatrice  dont le montant est égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, à la charge de l'employeur (Art. L. 1243-4 ). La prime de précarité  n'est pas due au salarié.

Décès du salarié

Le décès du salarié en CDD en cours de contrat constitue un cas de force majeure rendant impossible la poursuite du contrat. Dans une telle situation, l'employeur versera les salaires, indemnités de congés payés et primes à la succession. Il leur remettra également le certificat de travail et le bulletin de salaire. Si l'entreprise bénéficie d'un système d’épargne salariale la succession pourra demander la liquidation des droits acquis par le salarié.

1.4 L'inaptitude du salarié

La loi de simplification du droit du 14 avril 2011 a autorisé la rupture du contrat CDD en cas d'inaptitude même non professionnelle constatée par le médecin du travail . Elle a ainsi aligné le droit des contrats CDD sur celui des contrats CDI.

Si le salarié est déclaré inapte , l'employeur dispose d'un délai d'un mois pour le reclasser en tenant compte des observations du médecin du travail et, dans le cas d'inaptitude d'origine professionnelle, des délégués du personnel. Il devra prouver qu'il a effectivement cherché à reclasser le salarié: la décision d'inaptitude du médecin du travail ne suffit pas (Cass. Soc. 28 avril 2011, N° pourvoi: 09-69034).

En cas d'impossibilité de reclassement -ou de refus du salarié- l’employeur peut rompre le contrat, faute de quoi il devra reprendre le paiement des salaires. Le salarié bénéficiera d'une indemnité de rupture au moins égale à l'indemnité légale de licenciement, doublée en cas d'inaptitude d'origine professionnelle. L'indemnité de fin de mission (prime de précarité)  est due elle aussi. La Cour de Cassation a rendu un avis (n° 15013 du 21 octobre 2013 ) précisant que "la procédure de rupture d’un contrat de travail à durée déterminée pour inaptitude du salarié, constatée par le médecin du travail, telle que prévue à l’article L.1243-1 du code du travail, ne doit pas donner lieu à une convocation à un entretien préalable".

Ces dispositions s'appliquent également aux salariés protégés, après autorisation de l'inspection du travail.

Attention, il en va tout autre dans le cas d'une "aptitude assortie de réserves ": la Cour de Cassation a encore confirmé (Cass.soc., 25 janv 2011, n° 09-72.834 ) qu'une aptitude avec réserves, mêmes très importantes, ne justifie pas le non-renouvellement d'un contrat CDD. Une telle rupture pourrait être considérée comme fondée sur une discrimination pour motif de santé et être tout simplement annulée. S'il est dans l'impossibilité d'aménager le poste de travail en conséquence, l'employeur peut chercher une solution avec le médecin du travail ou contester la décision auprès de l'inspecteur du travail.

Voir les articles du Code du Travail sur l'inaptitude du salarié .

Hormis ces quatre cas, il n'est pas possible à l'employeur de rompre un contrat à durée déterminée, même si l'objet pour lequel ce dernier avait été conclu s'est réalisé avant l'échéance prévue.

Une clause prévoyant la rupture du contrat pour des motifs autres que ceux prévus par la loi est considérée comme résolutoire et réputée non écrite.

La rupture du CDD à terme incertain le jour même de fin de la durée minimale est interdite

Une tolérance apportée par l'administration (circulaire ministérielle DRT n° 92-14 du 29 août 1992) autorisait la rupture du contrat CDD le jour même de fin de la durée minimale par l'une ou l'autre partie, même si l'objet du contrat ne s'est pas encore réalisé.

La Cour de Cassation a mis les choses au point : le contrat ne peut en aucun cas être arrêté avant que l'objet pour lequel il avait été conclu ne se soit réalisé, cette tolérance n'a pas lieu d'être. (Cass.Soc. 15 octobre 2014 N° de pourvoi: 13-18582 )

2. Le cas particulier du CDD à objet défini

Le contrat CDD à objet défini  bénéficie de conditions particulières : l'employeur (tout comme le salarié) peut, en application de l'article L. 1243-1 , rompre le contrat pour un motif réel et sérieux, 18 mois après sa conclusion puis à la date anniversaire de sa conclusion.

3. Rupture abusive : sortir du cadre légal peut coûter cher

Ces dispositions sont d'ordre public et il n'est pas possible d'y déroger, par exemple en prévoyant dans le contrat une clause de rupture anticipée , même acceptée par le salarié, même justifiée par une convention collective de branche.

De même, le refus par le salarié en contrat CDD  de changer ses conditions de travai l (comme son lieu de travail) n'est pas un motif de rupture du contrat. Il en va tout autre pour le salarié en contrat CDI  pour lequel un tel refus peut justifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

L'employeur qui rompt un contrat à durée déterminée en dehors de ces quatre situations commet une rupture abusive ouvrant droit pour le salarié à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues  jusqu'à la fin du contrat. Cette indemnité légale constitue une réparation forfaitaire minimum, qui ne saurait subir aucune réduction. Pour les CDD à terme précis, la fin du contrat figure au contrat. Pour les CDD à terme incertain, les dommages-intérêts doivent être évalués "en fonction de la durée prévisible du contrat"  (Cass. Soc. 13 déc. 2006, N° 05-41232 ). Cette indemnité, soumise aux cotisations sociales, est due même si le salarié a immédiatement retrouvé un emploi.

L'employeur fautif devra en outre payer l'indemnité de fin de contrat   (si elle avait été prévue) ainsi que les congés payés  non pris, sur la totalité des salaires. (Article L1243-4 )

Le juge peut également condamner l'employeur à une indemnité pour préjudice moral  s'il considère que la rupture avait un caractère vexatoire.

Si votre salarié est d'accord, signez une rupture du contrat d'un commun accord !

La rupture conventionnelle prévue à l'article 5 de la loin°2008-596  du 25 juin 2008 ne s'applique qu'aux contrats CDI et ne concerne pas les contrats CDD pour lesquels il est cependant possible de faire une rupture d'un commun accord . Lorsque les deux parties souhaitent se séparer et sont capables de se mettre d'accord sur les termes de leur rupture, c'est la meilleure solution.

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